Jean-Paul Gavard-Perret
Max Leiß: le pur inachevable
2014
FR
Avec l’artiste de Bâle le monde se réduit presque au néant. Mais non sans ironie. Une ironie majeure. Le monde réduit à son presque rien est fondé sur des abstractions collationnées à partir de matériaux trouvés ou créés comme figures les plus simplement sensorielles. Ces figurations mises en scènes en divers jeux expérimentaux possèdent une beauté particulière. Si bien que Max Leiß pourrait faire sienne la phrase de Mallarmé: «Après avoir trouvé le néant j’ai trouvé le beau». Et ce au sein d’une sorte d’évaporation de formes qui donne aux assemblages l’impression qu’il n’existe pas plus d’être dans la personne, ni de vérité dans le concevable. Par la fragmentation, la stratification, l'éclatement surgit un jeu sur l'équilibre et le déséquilibre. Le créateur ne s’appuie pas sur le registre de la majesté mais sur son décalage. Le déséquilibre qu'il instruit donne plus de force à l'ensemble de l'espace architectural. La «sculpture», l’installation ne se veulent plus de simples répits ou repos du regard par rapport à cet espace. Elles ne sont pas sa transgression mais son point d'appui et d'aboutissement. Plus qu'une tension de nature épique ou allégorique est proposée une immersion dialectique. La "déconstruction" même de l’espace en est l'indice.
Artiste de la perturbation, Leiß remet donc en question l'enjeu de la représentation. Il montre toujours le vide que le plein appelle en des expériences aux polyphonies d'éléments épars-disjoints. Un monde flottant apparaît: le figuré devient le réel sur lequel ce dernier ne peut plus se plaquer. L'artiste rappelle que la sculpture -comme l'architecture - se constitue dans le sensible mais aussi par le sensible qui lui permet de trouver ce que Carl André appelle «sa seule harmonie». Au propos visuel de la connaissance le jeune créateur oppose le réseau de perceptions d’aspects incongrus pour jouir de la beauté qui s’y marque. Une beauté cachée dans le vide. Il ne s’agit donc pas d’ajouter mais de réduire. De se contenter d’un séjour en un toast aussi funèbre que lumineux. Il peut suffire à quelques instants de plaisir.
EN
With the artist from Basel the world is practically reduced to nothingness. But not without irony. Major irony. The world reduced to its almost nothingness is based on abstractions collated from found materials or created as figures that are in a most simple way sensory. These representations staged in various experimental settings have a particular beauty. So much so that Max Leiß might adopt the sentence by Mallarmé: ‘After finding nothingness I found beauty’. And this in a kind of evaporation of forms which gives the assemblages the impression that there is no more being in the person, nor truth in the conceivable. By fragmentation, stratification, breaking out, a playfulness appears between balance and imbalance. The artist does not rely on the register of majesty but on its shift. The imbalance that he suggests gives more strength to the entire architectural space. The ‘sculpture’, the installations no longer claim to offer simple respite or places to rest your eyes with regard to this space. They are no longer its transgression but its fulcrum and culmination. Rather than an epic or an allegorical tension, a dialectical immersion is proposed. The ‘deconstruction’ itself of space is the sign of this.
As an artist of disturbance, Leiß questions the issue of representation. He always shows the emptiness that the fullness implies in experiences made of polyphonies of scattered and disjointed elements. A floating world appears: the invented becomes the real on which the latter can no longer rest. The artist reminds us that sculpture as well as architecture constitutes itself in the sensory but also through the sensory, which enables it to find what Carl Andre called ‘its only harmony’. To the visual aspect of knowledge the young artist opposes the network of perceptions of incongruous aspects to enjoy the beauty that arises there. A beauty hidden in the void. So the point is not to add but to reduce. To content oneself with a short sojourn which is as funereal as it is bright. It can suffice for a few moments of pleasure.